La Cour de cassation vient de se prononcer sur la situation du salarié victime de harcèlement moral qui a obtenu en justice la nullité de son licenciement et qui a demandé sa réintégration dans l’entreprise (Cass. Soc. 19 avril 2023 n°21-25221).
Le Code du travail en son article L1235-3-1 autorise la réintégration à une double condition, si le salarié la demande et si cela est matériellement possible.
La dégradation des relations employeur-salarié ne faisait déjà pas obstacle à une telle réintégration en 2018 (Cass. Soc. 14 février 2018 n°16-22360).
Cette fois-ci, la question se posait dans le cas d’un salarié ayant subi un harcèlement moral qui avait entraîné son inaptitude.
La Cour d’appel, suivie en cela par la Cour de cassation, a estimé que oui, le salarié pouvait réintégrer son poste dans la mesure où son inaptitude avait été constatée des années auparavant et que son état de santé avait évolué depuis.
Il s’agissait d’une inaptitude prononcée en 2017 pour une affaire entendue en 2021 par la Cour d’appel, en 2023 pour la Cour de cassation.
En effet, au regard de la lenteur de la justice engorgée par le nombre de dossiers et n’ayant pas suffisamment de moyens pour y faire face, 6 ans se sont écoulés ici.
Oui, mais. Si dans cette affaire, le salarié allait peut-être mieux et que tel était sa volonté, je ne conseillerais pas forcément à mes client.es de demander une telle réintégration.
Vu les délais d’audiencement d’une affaire actuellement et vu l’impact psychologique d’un harcèlement qui peut résonner pendant des années encore après, une réintégration peut être difficile à vivre d’un point de vue émotionnel.
Cela signifier retourner sur « les lieux du crime », dans les endroits où vous avez subi ces agissements et devant les collègues qui ont été témoins de ce que vous avez subi et qui n’ont peut-être pas réagi, par peur ou par soutien du harceleur.
Or, mon objectif n’est pas de permettre à mes client.es de reprendre leur poste à tout prix, mais de les préserver d’un effet rebond d’une telle décision qui est loin d’être sans conséquences dans un contexte où ils ont été fragilisés par le harcèlement.
Une telle réintégration pourrait s’entendre éventuellement si l’employeur n’avait aucune responsabilité dans le harcèlement moral subi et qu’il joue réellement le jeu en accueillant le salarié dans les meilleures conditions possibles et non contraint et forcé par la justice…
Or, souvent, le harcèlement moral s’accompagne d’une violation de l’obligation de sécurité de l’employeur qui a préféré ne pas savoir, voire a soutenu un tel mode de gestion qui rend malade ses salariés.
En agissant ainsi, l’employeur pousse vers la sortie les salariés dont il ne veut plus ou adopte un management malsain pour tirer d’eux plus de productivité…
Je pense qu’il faut être extrêmement prudents car rien ne garantit que, derrière la réintégration autorisée par le juge, l’employeur ne va pas licencier le salarié sur un tout autre motif monté de toutes pièces.
Pour une réintégration réussie, il me semble qu’a minima la personne harcelante ne devrait plus être en poste, ni son éventuelle « cour » qu’elle pu ériger autour de lui.elle pour mieux isoler le salarié victime de son harcèlement.
En outre, conditionner la réintégration à une médiation permettrait de sécuriser la reprise. Cela vous permettrait d’être entendu.e, vous et non votre avocat.e, par votre employeur mais aussi par votre harceleur si celui-ci est toujours dans l’entreprise.
Et qui sait, peut-être entendre son point de vue, comprendre ce qui a pu le pousser à agir ainsi et aller chacun de votre côté, plus apaisés.
Je suis disponible pour vous écouter et vous conseiller en tant qu’Avocate.
Je peux par ailleurs intervenir en tant que Médiatrice pour vous accompagner face à votre conflit, votre assurance protection juridique ou votre employeur peut prendre en charge les honoraires liés à la médiation.
Contactez-moi afin de trouver ensemble la meilleure option pour vous